Pour réaliser un jeu vidéo et pour s’assurer qu’une équipe reste sur la même longueur d’onde, il est parfois nécessaire de répertorier l’ensemble des fonctionnalités et des contraintes dans un même document. Ce document s’appelle le Game Design Document (ou cahier des charges du jeu).
Un Game Design Document est donc un outil exhaustif qui archive les règles de production d’un jeu vidéo.
Une fois rédigé, il est régulièrement mis à jour au cours des développements, notamment lorsque d’importants changements de conception sont retenus. Pour autant, cet outil ne doit pas devenir contre-productif.
Il n’existe pas de règle normalisée pour rédiger ce document. Chaque équipe fait à sa manière, du moment qu’elle s’y retrouve. D’ailleurs, un Game Design Document n’est pas exclusivement un document écrit. Une vidéo, un diagramme ou un tableau Kanban peut intégrer cet outil. De manière plus générale, n’importe quel média à valeur ajouté permettant d’illustrer les décisions de conception d’un jeu peuvent intégrer un Game Design Document.

Un Game Design Document est un investissement de temps. Le temps passé à le rédiger (voir plus) doit être récupéré lors de la production du jeu. Il doit aussi faciliter la conception des projets ambitieux.
À quoi sert un Game Design Document ?
Il est très utile pour les productions relativement importantes (par exemple pour une équipe de plus de 2 personnes sur un projet supérieur à 2 mois).
Dans d’autres cas, il ne sera qu’un contre-temps et vous aurez aussi bien fait de répertorier les quelques règles de votre projet dans un tableau Kanban (de type Trello), un mail ou un fichier plat. (Évitez les feuilles. Elles se conservent mal et se perdent facilement. Vous êtes dans les nouvelles technologies, non ? Alors, numérisez !)
- Il permet de tracer les idées et les solutions des recherches internet effectuées. C’est un gain de temps pour vous et votre équipe sur le long terme.
- Il permet d’assurer la pérennité du projet. Imaginons que quelques mois après la mise en production du projet vous décidez d’arrêter les développements (baisse de motivation, envie de changer d’activité, les raisons sont nombreuses…). Le Game Design Document permet de transmettre les connaissances du projet. En rédigeant ce document vous capitalisez sur vos acquis.
- Il a aussi un rôle d’accord écrit et fait office de third party (tierce personne) pour trancher entre les désaccords de l’équipe. (Entre les solutions choisies et celles qui ont été abandonnées pour tel motif.)
Pourquoi rédiger un document alors que personne ne va le lire ?
C’est une question d’éducation. Voyez en lui un besoin : il répond facilement et rapidement aux questions de votre projet (sans que vous ne perdiez du temps à interroger un collègue ou à farfouiller le net).
Sensibilisez votre équipe à chercher l’information d’abord dans le document avant d’aller sur internet. Dirigez les personnes vers le document lorsqu’on vous interrompt. (Vous sauvegardez ainsi votre temps.)
Incitez aussi votre équipe à tracer les solutions choisies.
Si vous ne le lisez pas vous-même, alors c’est probablement qu’il est mal fait. Rendez-le pertinent. Il doit servir de back up à votre mémoire et à vos équipiers.
Comment réaliser un Game Design Document efficace ?
Évitez le superflu.
Un Game Design Document doit être concis et organisé pour vous permettre de trouver rapidement et facilement l’information recherchée. Il se lit donc dans le désordre.
Il n’existe pas de plan précis à suivre pour rédiger un Game Design Document. Certains estiment que ce qui n’y est pas consigné, n’est pas à réaliser. D’autres aiment aussi détailler la raison derrière leur choix.
Pour ma part, je le préfère le plus simple possible. En allant à l’essentiel.
Pour autant, je n’hésite pas à intégrer des diagrammes UML ou des croquis si j’estime qu’une idée en a besoin.
J’aime aussi dissocier une partie fonctionnelle et une partie technique. À titre informatif, voici les points que je définis :
- Introduction. (Elevator Speech : brève définition du jeu utilisée pour la communication. But du jeu. Cette partie peut aussi répondre à la question : pourquoi ce jeu ?)
- Univers. (Ambiance, thème(s) abordé(s), genre vidéoludique, émotion(s) recherchée(s)…)
- Histoire. (La narration et les dialogues)
- Personnages. (Personnalités, idées lié au charadesign…)
- Technologies. (Les plateformes et appareils ciblés, 2D/3D, les langages informatiques, frameworks, moteurs et logiciels utilisés…)
- Gameplay. (Le type de jeu, les possibilités et les modes de jeu, les niveaux, l’expérience utilisateur…)
- Level Design.
- IHM. (Interface utilisateurs et menus.)
- Graphismes. (Le style artistique, les couleurs, croquis, artwork, charadesign…)
- Audio. (Les sons et musiques.)
- Todo List. (Répartition des rôles, définition des niveaux de priorités et des implémentations optionnelles, liste des tâches souvent transcris dans un Trello.)
- Marketing/Communication. (Méthode de distribution et de promotion du jeu.)
- Business Model. (Axe de monétisation : payant, gratuit, free to play, achats in-app, publicités rémunératrices, sponsors, financement participative…)
- Rémunération. (Répartition des bénéfices, s’ils existent.)
Partie conception fonctionnelle (La stratégie) :
Partie conception technique (La tactique) :
Globalement, c’est vous qui choisissez les points à détailler.
Pour ce qui est du niveau de détail, c’est au feeling. Restez succinct la plupart du temps mais n’hésitez pas à intégrer du pseudo-code ou des images pour faciliter la compréhension lorsque vous jugez que c’est nécessaire.
Privilégiez le fond. Pas la forme.
Un Game Design Document n’a pas le but d’être publié. Son principal rôle est de répertorier les décisions validées par le projet. C’est un outil de communication interne.
La forme de ce document est donc secondaire. Il n’a pas besoin d’être esthétiquement très soigné.

Le style par défaut de votre éditeur de texte suffit amplement. (De plus, un Game Design Document est souvent édité par plusieurs personnes. Il est absurde de réfléchir à un style à normaliser.)
Voyez-le comme un recueil d’informations. Séparez votre contenu. Ainsi, tant que chacun y trouve rapidement ce qu’il recherche, il remplit son objectif.
Évolution du document dans le cycle de vie du projet
- Bien avant la conception du document, à l’émergence du concept : sauvegarder ses idées.
- Au début du projet : y dégager le concept original.
- Pendant les développements : Mettre à jour le document.
Avant la rédaction : sauvegardez vos idées
Les idées peuvent survenir à n’importe quel moment de la journée (c’est même à ça qu’on les reconnaît) et elles peuvent prendre toutes les formes (un élément de gameplay, un effet visuel, une sonorité…). C’est elles qui constituent la base d’un Game Design Document.
Il est très arrogant de penser que nous sommes capables de la mémoriser jusqu’à son implémentation. Ne vous est-il jamais arrivé d’oublier d’acheter du dentifrice alors que vous l’aviez pensé le matin même ? C’est pourquoi il est important de toujours noter ses idées lorsqu’elles sont encore fraîches dans notre tête. (Certes, sur le moment, on est persuadé que l’on s’en souviendra, puis la journée passe, le cerveau change (plusieurs fois) de sujet et le soir venu, on ne se rappelle déjà plus de cette idée si palpitante.)

Adoptez dès à présent le réflexe de sauvegarder toutes vos idées. Résumez-les. Vous n’en aurez jamais trop (quitte à les abandonner plus tard). Il serait dommage de les perdre dans les méandres de votre mémoire.
Personnellement, je me sers de mon téléphone comme mémorandum. Je l’ai toujours avec moi et grâce au cloud, je peux accéder à mes notes depuis n’importe quel appareil connecté à internet.
Pendant la rédaction : triez vos idées
Lors de la rédaction du Game Design Document, il vous suffira de réunir l’ensemble de vos notes et de les mettre en forme. C’est à ce moment que vous choisissez d’abandonner les idées farfelues et irréalisables.
Pendant la création du jeu : mettez à jour
Vos règles vont changer et votre jeu va évoluer au cours du développement. Les éléments implémentés dévient des spécificités d’origine. Pour garder la main sur votre projet, vous pouvez mettre à jour votre Game Design Document.
Lorsque je développe, j’ai toujours un cahier des charges ouvert. Je progresse en m’appuyant dessus. Du coup, il m’arrive de le compléter au jour le jour.
Attention, prenez ce temps seulement si c’est nécessaire. Inutile d’ajouter les modifications mineures. Attendez les gros changements pour mettre à jour. Déjà parce que c’est rébarbatif et fastidieux de devoir rééditer sans cesse un document conçu depuis le début (on a l’impression de revenir en arrière et de perdre son temps), ensuite parce que c’est contre-productif à court terme.
À ce stade, la conception du projet est pratiquement terminée et l’objectif de votre document est censé arriver à sa fin.
Conclusion
Et si malgré toutes les bonnes volontés, votre équipe oublie de rédiger des règles, ou que des idées sont ambiguës et que cela impacte la réalisation du jeu, rassurez-vous. cela arrive et c’est normal. On ne peut pas penser à tout.
Ce qui paraît évident pour certains ne l’est pas forcément pour d’autres (surtout dans le secteur du jeu vidéo ou plusieurs profils très différents se côtoient).
Le Game Design Document est un plan de prévention de l’inconnu, mais un plan se déroule rarement sans accroc. Soyez donc indulgent les uns les autres. Et puis, il aura quand même désamorcé de nombreux problèmes qui seraient survenus sans lui.
Bonjour Thibaud. Merci pour ton article car il a éclairé pas mal d’aspects dans ma tête qui étaient encore dans l’obscurité (lol).
Je voudrais postuler pour un Bachelor l’an prochain dans une école d’animation et de Game Design. Alors, je voudrais s’il te plait avoir des exemples concrèts de GDD pour que je sache comment présenter mes idées. Ça sera mon second essai et j’aimerais à tout prix intégrer l’école.
Merci d’avance!!
Salut Charles_BTx,
j’aurais tendance à plus m’appliquer sur la forme et le style d’un document qui est destiné à d’autres personnes qu’à moi ou à mon équipe.
Je n’ai donc pas d’exemple « montrable » mais j’ai trouvé quelques GDD français sur internet :
– Le Monde des ronrons (d’un certains Christophe Kohler que j’ai lu il y a quelque temps. Il a aussi retranscrit le making of de son projet sur son site. Il expose les problèmes qu’il a rencontrés pendant la création du jeu. C’est super intéressant à lire.)
– Laura
– Axone
Comme tu peux le constater, il n’existe pas de standard pour écrire un GDD. Chacun fait à sa sauce tant que celui-ci décrit les spécificités du jeu.
J’ai cependant trouvé ce plan très exhaustif. À toi de garder les parties qui te semblent les plus pertinentes et d’ajouter les éléments qui rendent ton jeu original.
Bon courage !
Merci. J’ai bien apprécié cet article. Est-ce que vous pensez que je peux devenir game designer en s’appuyant sur l’auto-formation sachant j’ai la capacité de lire en anglais aussi?
Bonsoir Aissaoui 🙂
D’ici à avoir la réponse de l’auteur (qui, je suppute, devrait avoir une conclusion à peu près similaire à la mienne), je peux déjà te dire, peut-être avec un peu moins de « légitimité » étant donné que je n’en suis encore qu’à mes débuts, que oui, oui, oui et cent fois oui 🙂
Même s’il est vrai qu’une école ou formation en game design est un plus indéniable pour la facilité d’apprentissage (mais il faut quand même en vouloir ! ), il me semble que beaucoup de game designers / développeurs commencent en autodidacte, un peu à taton même au début. Et oui effectivement savoir lire l’anglais te sera utile, la majorité des ressources de ce meeeeerveilleux outil qu’est internet étant issue de la langue de Shakespeare.
Je peux te conseiller aussi le livre de Jesse Schelle « l’Art du game design », sorte de bible de la conception de jeu vidéo et même de l’UX (expérience utilisateur) en général 🙂 D’ailleurs, au tout début il nous invite à répéter haut et fort dans notre chambre « Je suis un game designer » 😀
En tout cas n’hésite pas à te lancer, dès l’instant où tu commences à concevoir un jeu vidéo tu ES game designer 😉 Pas à pas, commencer petit mais voir grand ! Bon courage
Bonsoir,
Tout d’abord, désolé Aissaoui d’avoir complètement zappé ta question ^^’
Merci Manuel, Je ne peux qu’acquiescer avec ton commentaire, The art of game design est le livre de référence bien qu’un peu désuet.
Pour te répondre, Aissaoui, il est tout à fait possible de s’auto-former pour réaliser un jeu. Le plus dur c’est de gagner sa vie avec. En France, il est préférable d’avoir un diplôme et un portfolio pour trouver un poste. En solo, c’est différent.
La complexité de la création de jeux vidéo réside dans la diversité des compétences nécessaires (gamedesign, programmation, graphismes, musique/son, storytelling, communication/marketing…). Il est donc souvent inévitable de s’associer pour réaliser des projets ambitieux.
Je te conseille donc fortement de participer aux compétitions de développement de jeux dès que tu te sens à l’aise avec tes outils. Le Ludum Dare est très bien pour ça. Le but est juste de réaliser un jeu sur un thème donné (et c’est déjà pas mal, ne vois pas trop gros au début). Tu peux participer de chez toi, seul ou en équipe. Les compétitions durent le temps d’un week-end et rien ne t’empêche de peaufiner ton jeu après l’avoir soumis.
Ainsi, tu verras la construction d’un jeu de A à Z. Tu apprendras énormément de l’avis des autres et tu pourras admirer ta progression au fil des compétitions.
Good luck, have fun !